Association du patrimoine artistique asbl

 100% BENIN

ATELIER AFRICAIN DU DESIGN

Exposition du 15 au 30 janvier 2016

Vernissage jeudi 14 janvier 2016 de 18 à 21h.

ouvert jeudi, vendredi,samedi et dimanche de 14 à 18h.

http://www.atelierafricaindudesign.com/#!workshop/c240r

Durant les journées où les antiquaires et galeries d'art du quartier du Sablon accueilleront la foire BRUNEAF, notre espace consacrera ses murs à une exposition qui montre les résultats d'échanges de coopération bilatérale culturelle entre notre pays et le Bénin.

Une façon de rappeler qu'au-delà de l'intérêt porté à l'art dit ethnique se référant au magnifique passé culturel de l'Afrique, il y existe aussi une créativité actuelle et vivante qui cherche son chemin dans le monde d'aujourd'hui, en s'appuyant sur les traditions.

Une façon de rappeler qu'au-delà de l'intérêt porté à l'art dit ethnique se référant au magnifique passé culturel de l'Afrique, il y existe aussi une créativité actuelle et vivante qui cherche son chemin dans le monde d'aujourd'hui, en s'appuyant sur les traditions.Dans le domaine de l'économie, la coopération est souvent une relation dissymétrique, entre partenaires malheureusement inégaux. Il en va tout autrement dans le domaine culturel où l'échange se passe entre des partenaires égaux qui s'apprécient mutuellement, tentent de mieux se comprendre, d'établir des collaborations et de nourrir ainsi une inspiration partagée.

C'est à l'initiative de Martine Boucher et avec le soutien de Wallonie Bruxelles International que ces échanges se sont passés depuis 2013 à Abomey où des tisserands ont rencontré des étudiantes de Design textile et Design industriel de l’école de La Cambre *.

Avec sa proverbiale capacité d'organisation, et avec des moyens limités Martine Boucher a su créer les conditions d'un échange qui s'est déroulé au cours de trois années dont chacun est ressorti plus confiant dans son art et plus conscient des possibilités qu'offre un monde globalisé où les communications et rencontres deviennent beaucoup plus aisées. Un cinéaste belge, Jonas dʼAkesky, et deux Béninois, le vidéaste Totché et le photographe Louis Oke Agbo, ont témoigné de l'intensité de ces rencontres.

*Les tisserands de l'AVPTTA – association pour la valorisation du tissage traditionnel d'Abomey – ont collaboré, lors d'une résidence de cinq semaines, avec des étudiantes en Design textile et Design industriel de l’école de La Cambre - ENSAV.

Les tisserands de la cour du roi Agonglo à Abomey,une grande tradition séculaire

Le Bénin, ancien royaume du Dahomey, a été dirigé du XVIIe siècle au début du XIXe siècle, par quatorze rois qui se sont succédé en continu et qui ont été en contact avec les Européens pour le commerce transatlantique. Ces rois vivaient dans le palais royal d'Abomey entourés d'une cour de dignitaires très hiérarchisée, protégés par les soldats eunuques et par des amazones. Ils communiquaient avec leurs sujets à travers les griots et avaient aussi à leur disposition des tisserands qui veillaient à leur confort. Pour toutes ses décisions, le roi faisait appel au devin, le bokono, qui utilisait la technique divinatoire du pour prendre ses décisions et réaliser les sacrifices de façon à écarter les dangers et sʼattirer les esprits bienveillants.

Dans cette civilisation orale, l'expression passait par des symboles très codés. Le roi ne pouvait jamais toucher le sol et ses sujets se prosternaient devant lui. Les tisserands à son service réalisaient son hamac et les tapis sur lesquels il posait ses pieds sur le sol, ainsi que ses costumes tissés, les chapeaux et parasols royaux, et cela en suivant des motifs précis : oiseau, tambour, jarre, massue de guerre, poisson, nasse, houe, phacochère, sabre, caméléon, buffle paré dʼune tunique, fusil, ananas, natte de la colère, jarre trouée, lion, requin, pied trébuchant contre un rocher, balai et arc. Ces symboles correspondaient à autant de proverbes et de messages qu'il envoyait à lʼattention de ses sujets.

La cour royale du Dahomey a perdu son pouvoir politique et administratif en 1909, mais elle a subsisté ainsi que les chefs des clans descendant des rois qui se sont succédé — qui se disent également rois — et cette société traditionnelle a conservé un grand pouvoir moral et culturel. Le palais royal d'Abomey, constitué d'une série de vastes édifices surmontés de grandes toitures (autrefois en chaume et à présent en tôle), a subsisté **. Depuis le règne du roi Agonglo (1789-1797) qui les a réunis autour de lui, le palais abrite toujours les tisserands royaux. La riche tradition des modes de fabrication s'est perpétuée, ainsi que les motifs symboliques qui n'ont guère évolué. Mais elle est en risque d'extinction face aux modes d'expression et de communication actuels.

Le contact entre les jeunes tisserands d'Abomey et les étudiants de la Cambre visait à interroger cette grande tradition de savoir-faire afin d'en examiner toutes les potentialités et de réveiller le souvenir de certaines techniques oubliées auprès des anciens. Outre leur usage traditionnel toujours en faveur, les produits des tisserands rencontrent aussi un grand succès auprès de touristes et contribuent à leur subsistance. Dans quelle mesure cette production artisanale, très prisée en Europe ou aux États-Unis, peut-elle s'adapter afin de connaître de meilleurs débouchés?

L'objectif était de valoriser, réveiller et éventuellement enrichir cette tradition en adaptant une partie de sa production à des usages domestiques occidentaux voisins de ceux de la tradition béninoise. Tapis, rideaux, nappes, couvre-lits, descentes de lit, hamacs, revêtements pour des coussins ou des poufs, sacs, production de tissus au mètre pour l'ameublement, etc. La vannerie, productrice de nasses pour la pêche, a été interrogée de la même façon pour la fabrication d'abat-jour de lampes. Tous les objets du quotidien ont été approchés de la même façon à la recherche dʼadaptations modernes pertinentes.

Le premier objectif était de mettre au clair pour les tisserands les normes de dimensions souhaitables pour l'ensemble de ces types dʼobjets afin qu'ils répondent mieux à la demande et s'adaptent bien aux conditions de transport aérien. L'autre défi était d'arriver, par le dialogue avec les créateurs béninois, en interrogeant avec eux les techniques possibles, à se dégager d'une tradition devenue trop rigide et qui allait s'appauvrissant, et de susciter ainsi des envies de créations nouvelles d'assemblages de motifs traditionnels selon des agencements inédits. L'introduction de mélanges de matières suggérées, coton et raphia ou l'utilisation de rebuts de tissu de coton, a permis aux artisans d'enrichir dʼeffets nouveaux des tissages sur le métier qui restent traditionnels et gardent toute leur beauté d'ouvrage artisanal.

Grâce à ce contact avec les tisserands béninois, les étudiants de la Cambre ont été mis en relation avec un savoir-faire qui a presque complètement disparu chez nous et ont ainsi complété leur formation de manière extraordinaire. Cet échange, basé sur une curiosité réciproque, le respect mutuel et une volonté artistique partagée, constitue une grande réussite dont le résultat parle de lui-même. La qualité artistique de ces objets est évidente. La production des tisserands, vendue en Europe, permettra aussi la poursuite de ce beau projet de coopération, mené par Martine Boucher (D-SIGN) avec le soutien de Wallonie Bruxelles International ainsi que de l'ENSAV La Cambre et son fonds dʼaide à lʼinternational. Et par là même, se maintiendront une culture et un savoir-faire hérités de la cour royale dʼAbomey.

Pierre Loze

** Le musée historique dʼAbomey, lʼun des plus prestigieux musées du Bénin, est abrité dans un ensemble de palais royaux. Le site de 47 hectares, dont il fait partie, est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de lʼUNESCO depuis décembre 1985. Il a été rénové de 1997 à 2000.