Association du patrimoine artistique asbl

Pierre Lizin

Une soirée à l'Association du Patrimoine artistique, rue Charles Hanssens 7 à 1000 Bruxelles, mercredi 25 mai à 20h : dialogue avec Pierre Lizin

Latences / Vortex

2 expositions / 2 lieux

LATENCES à l'Espace Alloué du 12 au 4 juin / vernissage jeudi 12 mai

rue de la Longue-Haie 23 à 1000 Bruxelles

VORTEX à l'Association du Patrimoine artistique du 20 mai au 4 juin /vernissage jeudi 19 mai

rue Charles Hanssens 7 à 1000 Bruxelles

Pierre Lizin Vortex

http://mu-inthecity.com/2016/05/pierre-lizin-recycle-la-ville/

VORTEX
Pour le moment, il n'y a rien que l'on puisse faire, sinon regarder. Comme un elfe, Pierre Lizin pose par ses photos et ses films des constats, sans aucun jugement ni condamnation. Son œil impavide se promène, s'arrête et contemple. C'est nous qui suppléons et qui pouvons y voir une signification dramatique ou prémonitoire.

Il appartient à cette génération de jeunes adultes pour lesquels les scrupules écologiques à l'égard de la pollution, du gaspillage et de la dégradation l'environnement sont devenus une évidence. Mais, le monde est là, toujours aux mains de celle d'après guerre qui a été gavée d'idéologie de croissance, de consommation, de conquête spatiale, d'atome et d'universalisme. Et voilà qu'elle s'efforce à présent de relancer la machine de croissance et de compétitivité.

Alors que faire sinon regarder? Sa caméra balaye l'espace d'un bâtiment vide, à l'abandon, comme si c'était celui de notre âme ou de notre civilisation, s'appesantissant longuement sur ce néant matérialiste. Elle observe interminablement le mouvement d'un tapis roulant qui sert au triage des déchets et ce spectacle au-delà de lui-même, nous revoie par son rythme stressé au marathon mortifère de notre société de consommation et de compétitivité qui court vers son accomplissement. Ses photographies de chantiers de démolition de bâtiments, terriblement belles sous le ciel bleu, semblent nous montrer la chute pathétique qui risque de précipiter à présent l'humanité elle-même, dramatiquement insouciante de la conservation de son milieu de vie. La concasseuse, que son objectif fixe obstinément en train d'engloutir et de broyer, préfigure l'issue de tout ce que nous avons cru construire et nous précipite déjà mentalement dans le gouffre du ténébreux Tartare.

On retrouve Pierre Lizin dans des performances où il se montre plus actif. Le voilà arpentant une rue commerçante, un jour d'affluence, chargé comme un pantin de tellement de sacs de marques commerciales qu'il n'est plus qu'un fantôme titubant sous la folle accumulation. Le public se retourne sur lui dans la rue et rit de se voir ainsi portraituré. La foule réclame des fables et des chansons, elle n'applaudit le philosophe que quand il prend les traits du bouffon. Pierre Lizin réalise aussi d'autres performances solitaires et nocturnes cette fois, où il met à profit la liberté d'action que lui laissent les petites heures et assemble les déchets qu'il trouve dans les rues. À travers une série d'installations éphémères qu'il photographie, ce Pierrot lunaire semble nous convier à des emplettes imaginaires sur des étals de déchets et de cartons qui reconstitueront d'improbables marchés nocturnes, lorsque la mutation climatique sera pleinement accomplie et que nous serons plongés dans la pénombre perpétuelle. Le Grand Mertzbau à l'échelle planétaire. Les occultations de panneaux publicitaires qu'il exécute de nuit avec des cartons semblent réalisées, quant à elles, pour nous restituer simplement la contemplation du ciel étoilé, dans un silence médiatique. À peine accompli, il photographie ce moment de grâce où cette société absurde se tait et tout revient à un grand silence qui donne envie de lever les yeux. Il sait que cette installation sera arrachée dès le matin, voire même avant, mais qu'importe, quelques heures auront été volées à la folie humaine.

Pierre Loze